Le médicament ESMYA pour les fibromes utérins placé sous surveillance

Commercialisé par le laboratoire hongrois Gedeon Richter depuis 2012, l’ESMYA a été prescrit chez près de 700 000 femmes dans le monde, dont 64 000 en France. Il était considéré comme un grand progrès dans le traitement des fibromes utérins par rapport aux progestatifs utilisés habituellement. Mais récemment, l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a placé l’ESMYA, potentiellement toxique pour le foie, sous haute surveillance. La question est donc soulevée : comment un médicament supposé traiter le fibrome utérin puisse-t-il être à l’origine de l’apparition d’une maladie hépatique chez la femme ?
 

Comprendre les effets de l’ESMYA

L’ESMYA, également connu comme l’ulipristal acétate, est un médicament préopératoire ou séquentiel prescrit pour traiter les fibromes de l’utérus. Cette tumeur, de nature bénigne, est localisée au niveau même de la paroi de l’utérus. Afin de moduler l’activité des hormones sexuelles sur l’utérus, l’ESMYA a donc pour effet de bloquer les actions de ces hormones durant un traitement de 3 mois. Les anomalies du tissu de l’endomètre (adénomyomes) se régressent après le traitement indiqué.

 

Des cas hépatiques alertant

L’EMA a déclaré récemment que 51 patientes traitées pour des fibromes utérins avec l’ESMYA ont développé une insuffisance hépatique. L’agence européenne précise que, entre ces patientes, 17 cas ont été jugés graves. En outre, entre 2015 et 2017, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a recensé cinq cas d’hépatites graves ayant nécessité une greffe de foie, dont le point commun des patientes était la prise d’Esmya. Deux des patientes suivaient des traitements en France, deux autres en Allemagne et la dernière au Portugal. L’une des patientes allemandes est décédée en octobre 2017, lorsqu’elle a développé une septicémie après sa transplantation.

 

Des précautions à prendre

Jusque-là, les analyses effectuées n’ont pas encore permis d’expliquer la toxicité de l’ESMYA pour le foie, explique dans une interview le Dr Pierre Demolis, responsable du centre de pilotage de la stratégie européenne à l’ANSM. Toutefois, suite à ces nombreuses alertes, l’ANSM a demandé la suspension de toute nouvelle prescription. Ainsi, aucun médecin ne doit plus souscrire ce médicament, que ce soit chez de nouvelles patientes ou chez des patientes qui ont terminé leur cycle de traitement, et sont supposées le renouveler. En outre, il est recommandé à toutes les femmes qui suivent présentement un traitement sous ESMYA d’effectuer des examens complémentaires permettant d’identifier toute anomalie fonctionnelle hépatique. En l’absence d’un antécédent de maladie de foie, les patientes peuvent poursuivre un traitement déjà entamé.

L’EMA, en association avec d’autres agences du médicament issues de chaque pays européen, est en cours de réévaluation du rapport bénéfice/risque de l’ESMYA. En attendant une conclusion finale prévue en mai 2018, ces précautions ne doivent pas être prises à la légère, comme le dit l’adage, « Mieux vaut prévenir que guérir ».